Le Consentement – Vanessa Springora

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Pour avoir vu et entendu en boucle le témoignage de Vanessa Springora dans tous les médias depuis fin Décembre, à force d’attendre la livraison du livre, pourtant précommandé, je commençais à en avoir marre…..je l’ai reçu hier et je l’ai lu en deux heures. 

J’avoue qu’à sa réception, j’étais déjà saoulée. Qu’allais-je apprendre de nouveau sur cette histoire, que je ne connaisse pas déjà depuis les années 90 ? Matzneff qui se raconte, se « déroule », suivant son mot (que Vanessa S. reprend sans s’en rendre compte elle-même dans ce livre), depuis ses 18 ans dans ses Carnets, édités à la Table Ronde (du temps des Fasquelle) et ensuite, chez Gallimard, puisque Gallimard a repris la Table Ronde, puis dans la collection « L’infini » de Gallimard, avec une incursion brêve pour 1 tome (ses carnets 2008/2009) chez Léo Scheer….  Je l’ai déjà dit, je n’ai lu qu’un bout de roman, ( les lèvres menteuses) les siens servant à réécrire ses carnets en « romancé », ses Essais ne m’interessent pas, j’ai toujours aimé les « Carnets » des écrivains. 

Sur le thème du Consentement : elle ne parle que de celui que devrait demander l’écrivain à son « sujet » au moment de la publication des carnets où il parle d’elle, (et la vigilance DES EDITEURS…) et de toutes les autres. Lorsqu’elles sont séduites à coups de lettres enflammées par cet homme beaucoup plus vieux qu’elles, toutes les lycéennes qui peuplent les Carnets de Matzneff sont conditionnées à son langage (bonne analyse ici de Vanessa S.) et sont flattées, et une bonne partie de ces gamines lui répondent de même manière, ce qui permet à Matzneff de collectionner également ces sortes de « dédouanement » : « C’était de l’amour ». 

Le problême qui se pose pour la vie future de ces jeunes filles est l’absence totale d’anonymat : il les emmène partout, cite leur prénom et la 1ere lettre du nom de famille, leur école, leurs amies de classe, et ce qui se passe entre eux est décrit, à peu près poétiquement, mais on comprend bien. Comment reprendre une vie « normale » après la fin de cette liaison si tout est publié tel quel, comment les éditeurs peuvent laisser passer un tel étalage précis de tout ce qui fait la vie de ces gamines de 14 à 18 ans ?

Et comment est-il possible qu’il puisse continuer, cet homme, à harceler ses « anciennes », celles qui ont rompu (il ne supporte pas qu’on ne l’aime plus) en passant par tous les moyens possibles ? Je lisais « Les soleils révolus, carnets 1979/1982 » et il raconte comment il a réussi à retrouver l’adresse de sa première épouse, Tatiana, quinze ans plus tard,  en passant par ses amitiés avec Alain Peyrefitte, le garde des Sceaux de l’époque !!!

Le fait que tout se passe dans un périmètre limité (le Quartier Latin), ses amis, éditeurs, ses bus favoris, le Luxembourg, les restaus…laisse peu de place à une gamine, et en l’occurence, une quarantaine, d’oublier Matzneff. Sauf quand il prend ses vacances aux Philippines avec Hergé, Giudiccielli et les autres, et avant c’était en Algérie et en Tunisie avec Georges Lapassade, pour ses vacances-jeunes-garçons. Avec d’autres. Connus.

De viol, dans les faits, avec Matzneff, Vanessa Springora n’en parle pas, elle estime avoir été violée à sa demande par une opération sous anesthésie pour « ouvrir son hymen »…. voilà voilàà..

 

En fait les reproches et la haine dans tout ce livre sont dirigés contre son père et sa mère, alors que l’on sait que son père, contrairement à ce qu’elle écrit, s’est démené comme un beau diable pour remuer les autorités et faire convoquer plusieurs fois Matzneff à la Brigade des Mineurs. Et que dire des débuts du livre, qui dépeignent une gamine hypersexualisée à 5 ans, jusque ses 12 ans, avec détails..

Elle reproche à Matzneff de l’avoir trompée, et d’avoir couché avec des petits garçons. Et c’est la vérité. Quant à la vie dans cet hôtel, dont elle dit tant de mal, il faut rétablir la vérité : après sa maladie à l’oeil, ses semaines et mois d’hospitalisation et sous perf d’antibios lourds, le cinquantenaire ne pouvait plus monter ses 6 étages pour rejoindre son « Placard ». C’est Yves Saint Laurent qui lui a payé ses mois à l’hôtel de Taranne, en tant que « mécène ».

Bref, elle a bien fait d’écrire ce livre, catharsis pour passer enfin à autre chose, et en espérant que d’autres se manifestent. Et je trouve qu’elle aurait pu se moquer un peu plus de cet homme, au lieu de cette unique petite phrase sur ses problèmes de virilité. Elle lui donne même une excuse : enfant, il a été abusé par un homme de sa famille.

Moi j’aimerais que toute la clique des éditeurs-intellectuels-romanciers-sociologues-philosophes et moines orthodoxes soit aussi dénoncée. C’est facile : tous les noms sont dans les « carnets » de Matzneff. Et la police dit « chercher s’il y a d’autres victimes mineures » ????? Sérieusement ??? Mais que la police lise les carnets, tous et toutes y sont, et facilement retrouvables !

 

Le Consentement – Vanessa Springora ed Grasset, 2 janvier 2020, 200 pages, 18€

12 commentaires

    • Oui, c’est….. spécial. Et je ne comprends pas les gens qui encensent ce genre de récit (n’oublions pas l’enfance… surtout, c’est ce qui me paraît le pire) sans avoir la MOINDRE idée de ce qui se passait entre tous ces intellos et leurs histoires d’amour ou de sexe.. moi j’aurais bien du mal à n’accuser qu’une personne dans cette histoire.

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  1. Je dois avoir vécu sur une autre planète, mais je n’ai pas du tout suivi cette histoire, et donc du coup, je pars sans a priori…
    je n’ai lu ton avis qu’en diagonale pour être sûre, car je ne sais pas si je le lirai ou pas.
    Si généralement, j’apprécie la lecture des témoignages, je ne sais pas encore si celui-ci me tente ou pas (oui, je suis bizarre 🙂 )…

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  2. Merci pour cette critique! Même si le sujet est grave, il est bon de remettre les choses à leurs places. J’hésite à le lire, car n’ayant pas lu l’auteur visé, je n’ai aucun moyen de faire une critique correcte! Le fait que tu ai lu les carnets te donne justement ce regard que je n’aurais pas et qui fera que mon avis sera biaisé. Même si je ne cautionne pas!
    En plus, il y a un écho familial et personnel que je n’ai peut-être pas envie de remuer…. La seule chose de bien peut-être, c’est que ce livre libère la parole…

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