L’abandon du mâle en milieu hostile – Erwan Lahrer

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C’est un roman de Erwan Lahrer, qui vient juste d’être réédité en format poche chez J’ai Lu, et qui date  de 2013, édité à l’origine chez Plon. Je n’avais lu avant de cet auteur que le très beau « Le livre que je ne voulais pas écrire », publié l’an dernier, qui parlait du massacre du Bataclan. Au début de mon blog, en Septembre dernier, le lien « Le livre que je ne voulais pas écrire » de Erwan Lahrer

Ici, nous débarquons directement dans la vie du narrateur, fin des années 70 – début 80, le narrateur, dont on ne sait pas le nom, est en Terminale au lycée, et il voit d’un très mauvais oeil l’arrivée d’une punkette dans sa classe en milieu d’année. Surtout par lui et ses amis, qui sont membres du groupe « Jeunes Libéraux » et qui se réunissent souvent, et voient la vie comme un long fleuve tranquille, confortable, dans les pas des parents, et tellement conformistes. Avec ses cheveux peignés, la raie sur le côté, bien nette , lunettes et peau grasse, comme la majorité des élèves de cette terminale section Éco, le narrateur trouve que vraiment, cette fille fait tache. Cheveux verts, clope au bec, vêtements déjantés, elle vient aux cours quand elle veut, elle ne note rien, n’amene pas ses livres, et se paye le luxe de supplanter le narrateur dans toutes ses notes à chaque devoir. Mais un jour le prof donne un devoir à faire en binôme, et le sort lui donne cette fille comme binôme. Justement. Toute la classe rigole. Mais lui, de moins en moins. Il l’observe :  

« Tu semblais te suffire à toi-même, toute en vie intérieure, glissant, spectrale, sur l’amère méchanceté de nos virulentes pubertés »

(apparté : en lisant cette phrase, je me suis demandé si j’allais subir pendant tout le bouquin ce genre de cohorte d’adjectifs et d’adverbes que je hais… mais en fait non, après ça va mieux)

L’exposé à faire à deux l’amène à aller chez elle pour travailler, et peu à peu il apprend à la connaître, il tombe amoureux fou, en somme. Elle le traine dans tous les concerts punks, les bars,  elle aime la musique punk et Rock, le récit est truffé de références. Elle est Anarchiste, porte ce A en tatouage, s’implique dans beaucoup de manifestations et de mouvements..il la suit partout, il ne s’ennuie pas: il est avec elle. Entretemps, ils ont eu leur bac, ont commencé leurs études.

Dans ce roman, la jeune fille n’a pas de prénom : on la connait via le narrateur qui raconte leur histoire, en disant « tu » pour elle. Comme si lui-même était une extension d’elle. Plusieurs fois au cours du récit qu’il nous adresse, il dit : « il va bien falloir que je vous en parle »… Cette love-story, cet amour fou du narrateur pour elle finit par être partagé -a minima pour elle-, habitant ensemble, il n’est qu’admiration, adoration et désir, mais cette phrase répétée nous prépare à un pire que nous n’imaginons pas encore.

Après ses études de lettres, elle commence à écrire, plusieurs livres, l’un d’entre eux obtient même le Prix Renaudot. Et bien sûr le drame que l’on sentait arriver….

La seconde partie du livre, toujours à la deuxième personne, avec le « tu » comme pour parler à sa femme, est consacrée à son deuil. Il se repasse le film de leur vie, à la recherche de choses qu’il n’a pas vues, ou pas comprises…

On rentre facilement dans le livre, on s’attache aux deux personnages, les autres sont vaguement esquissés, sauf un ou deux amis.. La vie de cet amoureux fou de cette fille si différente, si brillante est décrite avec sensibilité et justesse. Même nous, les filles, on n’a aucun mal à s’identifier au narrateur. L’ambiance eighties, musique, politique, fait effet de décor. J’ai un bémol : je me suis un peu ennuyée dans la deuxième partie du livre. Trop de longueurs car on a très bien compris ce qui s’est passé durant ces années.. à la fin c’était trop.

Le titre fait, pour moi, référence au moment où il se laisse aller à suivre sa copine un peu partout au milieu de ces punks et anars..

 

Erwan Lahrer sort ces jours-ci son nouveau livre « Pourquoi les hommes fuient » chez Quidam Éditions.

L’abandon du mâle en milieu hostile – Erwan Lahrer, J’ai Lu, août 2019

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